Silvestro revient au pays natal, la Sicile, après un exil de quinze ans passés aux Etats-Unis... pour ne pas dire le Nord de l’Italie. Ses retrouvailles se dérouleront en quatre temps, le confrontant à des interlocuteurs qui le bousculeront dans ses certitudes de citadin "occidentalisé"... pour ne pas dire "américanisé". Il dialoguera avec un vendeur d’oranges dont personne ne veut, puis avec les passagers d’un train ayant chacun leur avis sur ce pays désenchanté (et pourtant enchanteur sous l’oeil des cinéastes). Ensuite, chez sa mère, il entretiendra une joute verbale dont ni lui ni le spectateur ne sortiront indemnes. Enfin, sur la place du village, il croisera un rémouleur illuminé dont le verbe est aussi tranchant que les couteaux qu’il aiguise.
Tranchant, c’est un mot qui résumerait d’ailleurs parfaitement le cinéma du couple Straub qui depuis plus de trente ans pratique la résistance pour un art qui n’est jamais vraiment devenu celui qu’il aurait dû être, tout aussi exilé comme le "pauvre" Silvestro. Cependant, "Sicilia !" se dénote de leurs précédentes productions, ce dernier opus étant vraiment accessible au commun des spectateurs-mortels que nous sommes, malgré les a prioris négatifs que l’on pourrait avoir face à un cinéma "trop" intelligent et où rien ne serait livré clé en main. En effet, la beauté intense des cadrages et du noir et blanc à chacun des plans, la musicalité du dialogue italien scandé merveilleusement par des comédiens non professionnels ; sans oublier, à côté d’une émotion véritable, un humour surprenant pour ceux qui connaissent la prétendue austérité des Straub (le film n’arrête pas de parler, entre autre, de nourriture)... tout cela fait que "Sicilia !", à côté de sa colère et la radicalité de ses propos, mérite bien son point d’exclamation ! C’est tout revigoré que l’on sort de sa projection.
"Sicilia !" reste à l’affiche du Nova jusqu’à la mi-juin. Il sera précédé à chaque séance du court métrage de Straub & Huillet "EN RACHÂCHANT" (1982, 7’), l’histoire d’un jeune garçon qui refuse de continuer à écouter ce qu’on veut lui apprendre à l’école...