Il y a plus ou moins trois ans nous vous annoncions la sortie du film "Dans la chambre de Vanda" de Pedro Costa. Puis, silence... il n’en fut rien. Non pas parce que subitement nous en avions décidé autrement, mais parce que nous nous sommes retrouvés dans l’impossibilité d’avoir accès à une copie du film. Trois ans plus tard le film est toujours inédit en Belgique. Soit.... La persévérance fait que nous sommes finalement en mesure de le programmer. Film des plus inclassables, nous lui consacrerons une sortie étalée dans le temps, sous forme de rendez-vous qui ponctueront les programmations des prochains mois. —
Il peut arriver qu’une oeuvre vous marque à un tel point que, sans trop savoir ni comment ni pourquoi, son souvenir finira par hanter quelque recoin de votre mémoire. Cela peut être le cas quand on découvre "No quarto da Vanda", un film d’une radicalité devenue trop rare dans le cinéma. Une oeuvre qui s’impose à contre-courant de toute mouvance ou tendance. "No quarto da Vanda" est de ces films qui n’existent que par des lois qui leur sont propres. En toute liberté. Ces lois étant aussi bien celles dictées par la réalité à laquelle le film se confronte, que celles qu’un réalisateur à un certain moment décide de s’imposer. La réalité qui enveloppe "No quarto da Vanda" est celle d’un quotidien dur, très dur, fait de petites choses, de gestes lourds de sens ou insignifiants, de visages éraflés par autre choses que le temps, de peu de paroles, de silences. Une réalité qui ne demande pas à être jugée et qu’il ne faut pas à tout prix comprendre. Pedro Costa, lui qui en quelque sorte a ce privilège de pouvoir l’observer, s’abstient de toute tentative de la fictionnaliser. Au contraire, il s’y fond pour la montrer telle qu’elle est et en dévoiler une vérité honnête et inconditionnelle. Anton Cechov un jour, dans une lettre, écrivait qu’un artiste ne peut pas être juge mais seulement témoin de ce qu’il voit ; l’art ne pouvant pas être un moyen pour résoudre les problèmes de notre société ou de la vie, car un artiste devrait savoir qu’il est impossible de comprendre "comment va le monde". Et toujours Cechov écrivait : "Un artiste observe, choisit, a de l’intuition, associe ; ces actes pourraient suggérer que l’artiste est face à un problème à résoudre. Mais si dès le départ on ne se pose pas de problèmes, alors il n’y a rien à comprendre et rien à choisir". Voilà, volontier nous empruntons ces quelques lignes à son écrivain car quelque part elles touchent à un petit quelque chose du cinéma de Pedro Costa. Un cinéma qui épuré de tout formalisme ou prouesse technique ostentatoires, libéré de la contrainte de devoir à tout prix raconter une histoire ou d’être un cinéma "à sujet", se pose avant tout la question du regard et de la morale du regard. Un cinéma presque "zen", celui de Costa, rarissime de nos jours.—