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Edito "Travail en cours"

La fin du pointage en Belgique, annoncée pour la fin de l’année, coïncide avec un contrôle accru des "inactifs" qui pourrait bien -qui l’eût cru ?- nous amener à regretter la petite carte bleue et le rituel bimensuel du pointage au bureau communal. Avec la fin annoncée du chômage rémunéré, qui finance en contrebande tant d’activités socialement utiles, à commencer par la culture, la solidarité sociale et l’engagement politique hors des partis, c’est aussi la fin des pratiques d’échange, de partage, d’un tissu associatif jouant par ailleurs un rôle reconnu par l’Etat - et qui lui est parfois bien utile (santé, insertion-réinsertion, mais aussi "intégration", et "contrôle social"...).
L’utopie d’un monde libéré du travail et au service de l’épanouissement humain recule à grand pas. Dans "la société de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde", utopie technocratique promue par la Commission européenne, les "politiques actives de l’emploi" visent à rétablir l’homme qui progressait un peu trop sur la voie de l’émancipation, dans ce qu’aux yeux du patronat il n’aurait jamais dû cesser d’être : un facteur de production dont le coût doit être "librement" fixé par le marché. Durant des années, les gouvernements ont fait de la "lutte contre le chômage" l’un de leurs plus grands succès rhétoriques, contribuant à dissimuler que le "chômage" était le meilleur allié de la "modération salariale" et de la domestication des travailleurs.
Fini l’équilibre de la peur entre patronat et travailleurs, bye bye les garanties collectivesŠ On peut légitimement détester la société salariale et penser que la centralité de la valeur travail est le comble de l’aliénation, il n’empêche que si on laisse jeter le bébé avec l’eau du bain, il n’existera bientôt plus qu’un seul droit, comme aux Etats-Unis, "le droit de travailler", à n’importe quel prix et dans n’importe quelles conditions (et ajoutons : pour produire n’importe quoi).
En effet, débarrassée de sa mauvaise conscience vis-à-vis du "chômage", c’est dans une guerre contre tous les "inactifs" que s’engagent aujourd’hui les élites politico-économiques. Car de l’aveu même des responsables, le but n’est pas de trouver un job aux 19 millions de chômeurs européens, mais de porter le taux de "participation au marché du travail" de la population européenne à 70% en 2010. Ce qui fait bien plus de monde à mettre au turbin. Chômeurs, heureux ou malheureux, femmes ou hommes au foyer, handicapés, étudiants, retraités, bénévoles, engagez-vous, rengagez-vous ! La guerre économique a besoin de vous et les sergents recruteurs sauront vous trouver, où que vous soyez !
Dans ce contexte de "chasse aux chômeurs", la programmation que nous proposons revient sur l’histoire du chômage et témoigne, à travers portraits, fictions et films d’analyse des années 70 à aujourd’hui, du vécu des chômeurs et de leurs luttes, pas forcément pour l’emploi, mais pour une société où chacun a le droit de vivre et d’être heureux. Et comme, lorque le film est fini, les problèmes demeurent, deux rencontres sont aussi prévues pour essayer d’avancer d’un point de vue pratique. La première sur les conséquences et les formes que prend le démantèlement de l’assurance chômage en Europe du Nord. La seconde sur les conséquences plus spécifiques, notamment pour le secteur associatif en Belgique.
D’ici mai 2006, le Nova espère bien vous donner un nouveau rendez-vous, pour continuer à faire le point sur une longue période de "détricotage des acquis sociaux", et surtout pour ouvrir son écran à d’autres utopies en actes, nées de la fin de l’idéologie travailliste.



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