Depuis le milieu des années 70, Anand Patwardhan est de tous les combats et débats qui secouent la société indienne. Déjà, ses deux premiers films abordaient la répression brutale et l’emprisonnement politique dans un pays qui basculait vers la dictature. Et depuis, il s’est toujours engagé du côté des opprimés et des laissés pour compte. Traversant 30 ans d’histoire moderne, ses films sont aussi des témoignages précieux sur l’évolution de la société indienne, du passage d’une société traditionnelle à une société moderne qui doit affronter des "défis nouveaux" (le développement urbain dans "Bombay our City", la séparation des pouvoirs temporels et intemporels dans "In the Name of God" et "In Memory of Friends", la construction d’un barrage dans "Narmada", la bombe atomique dans "War & Peace"). Grâce à un montage habile, ses films administrent la preuve sans recourir à la persuasion. Il est rare que la bande-son de ses films comporte un jugement ou une interprétation personnelle. Les images parlent d’elles-mêmes. Chacun est libre d’en tirer ses propres conclusions. Marcheurs pacifistes, manifestants résolus, spectateurs attentifs, cortèges de voitures : si les films d’Anand abondent en scènes de foules, ce n’est pas pour "faire spectaculaire". Ces scènes rappellent d’abord le caractère collectif de la vie sociale, la nécessaire solidarité qui nous lie. Et ensuite elles traduisent visuellement toute la force qui se dégage d’un groupe. Autrement dit, sa capacité à enrayer la machine, à dévier le cours des choses. Sa caméra sait aussi capter la beauté individuelle. Pas pour mettre en avant un talent particulier mais parce que cette personne est porteuse d’une vérité collective qui la transcende et qu’elle rayonne à travers ses paroles, ses actions ou sa détermination. Et souvent, ces messagers charismatiques sont prêts à aller jusqu’au sacrifice de soi pour faire triompher cette vérité. Les films d’Anand Patwardhan ont pour vocation d’éveiller notre conscience politique et de nous rappeler que ce sont les groupes qui font l’Histoire.
Anand Patwardhan se rendra en Belgique pour la première fois à l’occcasion de ce "focus". Il sera au Nova pour présenter ses films et animer deux soirées spéciales (voir Rencontres).