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Edito

Il y a dix mois nous décidions de mettre deux programmations en chantier : une première, en collaboration avec le Tek Festival de Rome, centrée sur la question des frontières et des nouveaux contours que prend l’Europe ; une deuxième sur l’exil et les sentiments qu’il peut induire. Au départ les deux programmations étaient supposées se dérouler avec des tempos et à des moments différents dans l’année.
Puis, de façon naturelle, les deux programmations ont commencé à se croiser, certains films se retrouvant dans l’une comme dans l’autre, et certaines réflexions sur le thème de l’immigration se retrouvant aussi à converger vers des propos similaires. Il est donc normal que finalement ces deux projets vous soient présentés l’un à la suite de l’autre. Vous voici face à six semaines de films, concerts, rencontres, débats. Le temps de s’arrêter sur un des thèmes les plus "chauds" du moment et sur des questions auxquelles il est urgent de réfléchir.



Dans plusieurs dictionnaires américains wop est défini comme un acronyme pour "without papers" ou "without passport", "sans papier" ou "sans passeport". Historiquement il semblerait que ce soit le cachet qui était apposé sur les documents des premiers italiens qui émigrèrent vers les Etats-Unis.

"Sans papier". On ne connaît que trop bien cette définition que l’on utilise aujourd’hui pour désigner un étranger en situation irrégulièreŠ. Et on se plairait à imaginer une Europe réellement sans frontières où "sans papier" ne serait qu’une tautologie pour dire : pas besoin de passeport.
Bien que les frontières soient bien souvent des lignes imaginaires pour séparer un pays de l’autre tout est mis en ¦uvre pour les rendre plus infranchissables que des murs en béton. Et réussir à traverser celle de l’Europe est presque devenu un jeu de la roulette si on ne détient pas les papiers nécessaires.

Pourtant la contradiction est qu’aujourd’hui les villes sont de plus en plus un creuset de cultures et d’ethnies différentes, et que leur topographie reflète les mouvements migratoires qui y convergent et qui y redessinent les espaces urbains. D’autre part ce sont aussi ces nouveaux phénomènes migratoires qui sont à l’origine de nouvelles dynamiques culturelles.
Tout à fait normal alors que nous ayons eu le désir de nous arrêter sur comment le cinéma se confronte avec les problématiques liées au renforcement des frontières. Avec nos amis du Tek Festival de Rome nous nous sommes ainsi embarqué, sans passeport, dans un voyage au travers de l’Europe, du Sud au Nord, d’Est en Ouest. Nous vous en rapportons des films aux tons fort différents qui s’interrogent sur ces nouvelles réalités frontalières. Des réalités qui ont une dimension sociale et politique, plus que géographique, que le cinéma documentaire plutôt que celui de fiction réussit à saisir.



Exils, des exils, aussi nombreux que les exilés. Nous allons à la rencontre de ces traces, de ces tactiques à la fois personnelles et collectives qui traversent les expériences du devenir étranger, les aspirations, la nécessité de se réinscrire dans d’autres territoires, la force de constituer de nouveaux espaces sociaux, de donner le jour à de nouveaux langages. Il y a une multitude d"espaces d’ambiguïté - entre allers et retours - que nous voulons explorer à travers le cinéma.

Si nous parlons d"exils et non de migrations, c"est pour laisser davantage de place aux subjectivités, à la diversité des vécus et des expériences et éviter de les aborder par des discours utilitaires ou des injonctions de prise de conscience.

Chaque film est une de ces traces, un moment de mémoire. Tous sont irrigués par des voix, des voix d"exilés, au-delà de leurs origines respectives ou de leurs statuts administratifs : travailleurs immigrés sous protocoles, réfugiés, sans-papiers, etcŠ et des voix d"auteurs, de Georges Perec à Abderrahmane SissakoŠ là où devenir auteur se forge dans l’exil et se constitue ce décalage du langage avec lequel ils accèdent à leur singularité.



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