Au Japon comme partout ailleurs, dès les années 1960 le cinéma souffre de la concurrence accrue de la télévision. Alors qu’aux États-Unis l’industrie Hollywoodienne réagit en développant de nouveaux procédés comme le Technicolor et le Cinerama, ou en lançant une énième vague de cinéma en 3-D pour tenter d’attirer les spectateurs dans les salles, l’industrie cinématographique japonaise propose des films au contenu trop controversé pour la télévision. Les grands studios comme la Nikkatsu, Daei ou Toei réussissent momentanément à freiner leur chute avec les "pinku eiga", une sorte de cinéma érotique soft, qui était jusqu’alors l’apanage de petites maisons de productions indépendantes.
La Nikkatsu démarre le mouvement, et représentera l’apogée du genre avec ses "romans porno", une série de films softs bizarres, lardés de romantisme et d’intermèdes SM brutaux. Toei réagit avec ses films d’action et la vague "pinky violence", une forme de cinéma d’exploitation pimenté d’une bonne dose de nudité gratuite et de violence. Caractérisés par des personnages féminins puissants et indépendants, des héroïnes aussi sexy que dangereuses, ces films se situent sur le fil du rasoir entre pure exploitation stéréotypée et émancipation féminine. Il y a peu d’équivalents dans le cinéma occidental, sinon peut-être la Blaxploitation, avec l’actrice Pam Grier dans des films comme "Coffy" ou "Foxy Brown", présentés lors de l’édition 2008 du festival Offscreen. On y retrouve un même mélange sensationnaliste d’érotisme, d’action et de conscience sociale.
Les jours fastes de ce courant se situent entre 1970 et 1977, lorsque ces films bénéficiaient d’une production digne de ce nom et d’une vague de nouveaux talents devant et derrière la caméra. Les grands studios avaient recours à ces films de genre pour tester de nouveaux réalisateurs et stimulaient activement toute expérimentation ou innovation. C’est ainsi qu’on put découvrir des réalisateurs comme Koji Wakamatsu, Norifumi Suzuki, Teruo Ishii ou Kinji Fukasaku ; et des actrices devenues cultes telles Reiko Ike, Meiko Kaji ou Miki Sugimoto.
Avec le recul, on sait que la lutte était perdue d’avance et que la télévision et la vidéo allaient prendre le dessus quelques années plus tard. La "pink exploitation" n’est guère mise à l’honneur dans l’histoire officielle du cinéma japonais et est restée longtemps terra incognita pour le public occidental. C’est en traînant les pieds que les studios laissent aujourd’hui sortir quelques copies de leurs archives. Et c’est dans ce contexte que le Festival Offscreen a décidé de présenter cette série de huit films, tous projetés en 35mm. Amateurs de bandes de motardes les seins au vent, de vierges ivres de vengeance, de femmes gangsters folles de sabres et d’écolières cruelles, cette section du festival est pour vous !