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Xavier Christiaens – La trilogie boréale

Après avoir été acteur, auteur de théâtre et assistant (entre autres pour Bruno Dumont), le cinéaste autodidacte bruxellois Xavier Christiaens a réalisé depuis 2003 trois films fascinants constituant un triptyque évoquant tour-à-tour la déportation du peuple kirghize de nomades en Asie centrale, le retour d’un cosmonaute sur une terre dépeuplée, la culpabilité des génocides, la violence des idéologies… À la lisière des genres et des pratiques, tenant autant du documentaire, de l’expérimental, de la poésie ou de la science-fiction, ces films ont été conçus en toute liberté et dans une totale indépendance, sa compagne Sandrine Blaise l’accompagnant dans ses créations. Ils développent une exigence de chaque image, s’approchant des théories et des trouvailles des cinéastes avant-gardistes et relevant le défi du programme proposé par Jean Epstein en 1946 dans son texte "Intelligence d’une machine" : "Le cinématographe nous introduit dans l’irréalité de l’espace-temps."

Textes écrits d’après ceux de Serge Meurant (Cinergie) et d’Olivier Smolders.



Xavier Christiaens, 2014, video, sans dial, 54

Œuvre solitaire, tournée sans scénario ni équipe, elle s’est développée avec la même rigueur et la même liberté que s’écrit un poème. C’est d’ailleurs un poème d’Henri Michaux qui est le point de départ de ce voyage, mené sous l’emprise d’une bande sonore envoûtante (créée par Lionel Marchetti), à travers un monde parallèle nimbé de couleurs sourdes, d’obscurités mystérieuses, d’éblouissements nucléaires. Récit visuel, minimal et abrupt, le dernier volet de la "trilogie boréale" est aussi le plus sombre et mystérieux, le moins narratif. Le contexte historique est cependant précis (la guerre froide, la conquête de l’espace), les protagonistes identifiables (une femme, un homme, un enfant) et l’enjeu clairement exposé : ces trois personnages sont comme des survivants dans un huis-clos, assignés à résidence dans quelques pièces d’une tour dans une grande ville. Et cependant, l’enchevêtrement des nappes sonores et visuelles plonge le spectateur dans une sorte de rêve éveillé, de torpeur qui lui fait vite larguer les amarres rationnelles. Une invitation à se perdre, donc, à se laisser dériver, à se noyer peut-être.

+ Performance Lionel Marchetti

D’une extrême richesse, la composition sonore réalisée par Lionel Marchetti pour "Au-delà des icebergs" donne au film sa profondeur, parcourt toutes les sonorités de l’histoire, évoquant un bestiaire chamanique dont se nourrira l’oreille attentive. Compositeur et interprète de musique concrète, Lionel Marchetti (originaire de Lyon) est également poète-écrivain. A l’issue de la projection, il nous proposera une performance d’improvisation acousmatique sur divers systèmes de spatialisation du son (électronique, instruments analogiques et numériques divers - avec haut-parleurs modifiés).

www.lionelmarchetti.bandcamp.com

En présence de Xavier Christiaens.

05.05 > 20:00 
5€ / 3,5€


Xavier Christiaens, 2003, video, vo ru st fr, 56

Réfractaire aux dogmes établis, "Le goût du Koumiz" restitue, par le poème et le traitement radical des images et des sons, le déracinement et l’exil intérieur. Il creuse son ornière dans une aventure visuelle et sonore marginale, surprenante, imprévue. Non parce qu’il n’y aurait pas de récit on y raconte l’histoire d’un nomade du Kirghizistan dont le destin fut bouleversé par la domination soviétique mais parce que celui-ci s’incarne d’abord et avant tout dans un univers de vents, de chevaux, d’habitations brinquebalantes, de montagnes, des chiens, d’enfants, d’oiseaux, de trains qui filent dans des plaines désertiques. D’un noir et blanc très contrasté, les images tournées par Xavier Christiaens et Sandrine Blaise de la mer d’Aral au Kazakhstan inscrivent le monde dans un jeu de formes d’une grande beauté plastique. L’aventure est à la fois belle, sensible et émouvante. Spectateurs pressés, passez votre chemin. Pour les autres, un vrai bonheur.

En présence de Xavier Christiaens.

12.05 > 20:00 
3,5€ / 2,5€


Xavier Christiaens, 2006, video, 54

"Quand tu ouvriras les yeux, ce ne sera pas le jour, pas la nuit, pas l’eau, pas la terre." C’est par cette citation de l’Apocalypse que s’ouvre "La chamelle blanche", qui nous fait vivre l’expérience de ce que signifie être étranger au monde, à travers le journal d’un cosmonaute revenant sur une terre désertée. Solitaire et privé de mémoire, peu de choses viendront à son secours. Un camion s’enfonce dans le paysage comme un bateau dans la mer. Une femme en robe à fleurs se baigne dans une mer de sang. Un enfant nous regarde de ses yeux étonnés. Il y a sur le sol, la carcasse tordue d’une étrange machine soviétique. Xavier Christiaens aura inventé là une nouvelle façon de se souvenir, de remonter le temps par à-coups singuliers, ravalant le passé comme une chanson que l’on dirait à l’envers. Les images, fantomatiques, presque effacées, surviennent par lames de fond, comme revenant à la surface d’une mer gelée. "La chamelle blanche" ne laisse pas le spectateur en repos, mais quelle récompense lorsque au détour de ce chemin abrupt apparaissent régulièrement des moments d’une grâce dont on n’aurait pas même osé rêver, des "apparitions" comme on en voit peu au cinéma.

En présence de Xavier Christiaens.

21.05 > 20:00 
3,5€ / 2,5€


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